D'après la définition adoptée par l’initiative ERASysBio, un consortium d’agences de financement de 13 pays européens et associés, « la biologie systémique a pour but de comprendre les interactions dynamiques entre composants d'un système vivant, et entre systèmes vivants en interaction avec l'environnement. La biologie systémique est une approche par laquelle des questions biologiques sont abordées en intégrant les expérimentations avec la modélisation, la simulation et la théorie dans des cycles itératifs. La modélisation n'est pas le but final, mais un outil pour faire avancer la compréhension du système, développer des expérimentations plus ciblées et finalement aboutir à des prédictions. La biologie systémique est par nature intrinsèquement interdisciplinaire et a pour but commun avec les autres disciplines d'aboutir à une compréhension quantitative des processus biologiques dynamiques en se fondant sur des analyses mathématiques et statistiques pour intégrer les données biologiques et développer des modèles prédictifs du comportement biologique ».
La biologie systémique est la langue commune et la stratégie de recherche transdisciplinaire pour les sciences de la vie du 21e siècle. Elle permettra l'intégration de la biologie, de la médecine et des sciences de l’environnement par des interactions transdisciplinaires avec les sciences mathématiques, informatiques, chimiques, physiques et ingénierie, lui permettant d’affronter les grands défis scientifiques, technologiques et sociaux.
Contrairement à de nombreuses disciplines scientifiques, la recherche en biologie a toujours été menée de manière fragmentaire, chaque laboratoire étudiant très souvent un phénomène particulier, concernant un type cellulaire d'un organe et d'une espèce donnée dans un environnement. Cette approche historique du vivant est due aux difficultés d'analyse, à la forte variabilité des mesures, et à l'absence de grandes lois universelles applicables à l'ensemble du monde vivant.
La révolution biologique du XXème siècle fut incontestablement celle de la biologie moléculaire. En fournissant des moyens d'étude extrêmement puissants et universels, la biologie moléculaire s'est imposée comme une discipline. Aujourd'hui tout hôpital, tout industriel agro-alimentaire, pharmaceutique ou cosmétique, toute instance écologique, juridique ou militaire utilise la biologie moléculaire pour guérir, protéger, nourrir, cultiver, utiliser, détecter, et comprendre les organismes vivants. Les progrès des dernières décennies ont permis d'appliquer la biologie moléculaire à grande échelle, en suivant des millions de molécules, en comparant les espèces et en analysant le vivant dans une grande diversité de conditions environnementales. Mais malgré ces progrès, la biologie du XXème siècle est restée fragmentaire, pourquoi ?
Cette limitation est due à l'incapacité des approches biologiques classiques à aborder les systèmes biologiques dans leur globalité et donc à affronter leur complexité. Cette complexité résulte de l'extrême hétérogénéité des composants impliqués, de la nature intrinsèquement dynamique, ainsi que du caractère spatial des interactions entre ces composants, et du caractère hautement non linéaire du comportement du système résultant de ces interactions. Nous ne pourrons donc appréhender le puzzle du vivant en accrochant simplement les pièces une à une.
La biologie systémique aborde cette complexité avec la rigueur héritée des autres disciplines. Il est clair maintenant dans l'esprit de tous les biologistes que la compréhension d'une pathologie ou d'un processus biologique passe nécessairement par le décryptage d'un système d'interactions dynamiques (développement et évolution), multi-varié (mesures de millions de molécules et de multiples paramètres) et multi-échelles (de la molécule aux écosystèmes, de la milliseconde aux millions d'années). La biologie systémique est une approche qui s'attaque à la complexité des systèmes biologiques et à leur comportement dynamique à tous les niveaux d'organisation pertinents (depuis les molécules, cellules et organes jusqu'aux organismes et aux écosystèmes). Elle combine des méthodes réductrices et intégratives en mettant l'accent tant sur les éléments qui composent le système que sur les interactions entre ces éléments qui génèrent des phénomènes d'émergence aux niveaux d'organisation supérieurs. Cette approche révolutionne la biologie car elle fournit une capacité d'analyse et un appui sur la simulation, qui a elle même subi une révolution par l'augmentation incessante des capacités de calcul.
Au XXIème siècle, il n'est pas plus difficile de mesurer l'activité d'un génome entier que celle d'un seul gène, il n'est pas difficile de séquencer les génomes de milliers de micro-organismes ou de centaines d'individus humains, la microscopie offre une résolution d'observation colossale, des milliers de cellules uniques peuvent être analysées en parallèle, l'ensemble de l'arbre du vivant peut être abordé et la médecine peut s'intéresser à des milliers de paramètres chez chaque patient. Face à cet afflux de données, les biologistes sont souvent désemparés car la planification des expériences et les méthodes d'analyses doivent être adaptées. Grâce au savoir-faire d'autres disciplines, la biologie systémique offre les outils et les solutions.
Cependant, il ne s'agit pas seulement de données. L'étude d'un système vivant repose sur un grand nombre de paramètres (demi-vies, vitesses de diffusion, affinités, etc), qui ne peuvent être tous mesurés expérimentalement. Actuellement, la biologie a la capacité de s'appuyer sur des modèles informatiques ou mathématiques qui décrivent les systèmes et permettent d'interpréter leur fonctionnement. La biologie des systèmes vise à intégrer dans un processus itératif (« le cercle vertueux ») l'acquisition de données à haut débit pertinentes pour le phénomène considéré avec une approche de modélisation dynamique multi-échelle. Il faut ici noter que la construction de tels modèles nécessite souvent l'acquisition de données dédiées, qui ne sont pas le type de données généralement collectées par les biologistes. Il est notamment vital d'obtenir des données cinétiques, qui font habituellement cruellement défaut. L'approche de biologie des systèmes n'est donc pas seulement une approche de modélisation mais bien aussi une approche expérimentale nouvelle.
Il est essentiel de noter que le but de la biologie des systèmes est bien de comprendre des phénomènes biologiques. Cependant, pour arriver à cette compréhension, la complexité des problèmes posés soulève des questions théoriques nouvelles, et parfois extrêmement difficiles, dans les disciplines non biologiques impliquées. La biologie des systèmes se fait bien à l'interface entre les disciplines mais renvoie dans chaque champ disciplinaire des questions éminemment intéressantes, au sens de ce champ.